Les culs-reptiles

Mahamat-Saleh Haroun

Les culs-reptiles

Mahamat-Saleh Haroun 

Gallimard, 2022

Au Tchad, les « culs-reptiles » sont les hommes marginalisés des quartiers populaires africains, qui comme les reptiles passent leur temps immobiles, allongés sur des nattes ou à jouer aux cartes, dans un état d’attente. Bourma Kabo fait partie de cette communauté de paresseux et il accepte le défi de participer à l’épreuve de natation des jeux Olympiques de Sydney. Les autorités sont convaincues que la victoire d’un africain en natation permettrait d’améliorer la situation économique du pays. Selon eux, la réussite d’un africain dans un sport autre que la course, susciterait l’intérêt de la communauté internationale et encouragerait le tourisme. Le plan semble pouvoir fonctionner sauf que Bourma Kabo ne sait pas nager et il est le seul à faire partie de l’équipe.
Le récit est librement inspiré de l’histoire de l’équato-guinéen Eric Mahamat-Saleh Haroun, devenu célèbre pour avoir terminé son 100 m nage libre en 1 min 52 s 72, le double du temps des autres concurrents. Le roman raconte l’amour, les rêves et les désillusions d’un homme qui cherche à échapper de sa condition de « cul-reptile », mais qui se trouve submergé par des intérêts qui le surpassent.

Né à Abéché en 1961, Mahamat-Saleh Haroun est un réalisateur et écrivain franco-tchadien. En 1982 il s’installe en France à Paris, où il commence une formation de cinéma, puis, à Bordeaux pour suivre des cours de journalisme. Il écrit pour des quotidiens régionaux français et en 1999 réalise son premier long-métrage « Bye Bye Africa » grâce auquel il remporte le prix du Meilleur Premier film au Festival de Venise.
En 2010 il reçoit le prix du jury au festival de Cannes et le prix Robert-Bresson au festival de Venise pour son long métrage « Un homme qui crie ». Le film met en scène l’histoire dramatique d’un homme et de son fils qui se retrouvent séparés à cause de la guerre civile au Tchad. Il retourne au festival de Cannes plusieurs fois : en 2013 avec son film « Gris », en 2016 pour son film de témoignages « Hissein Habré » et en 2021 où il présente « Lingui, les liens sacrés ».
Mahamat-Saleh Haroun est également reconnu dans le domaine littéraire. En 2017 il publie son premier roman « Djibril ou les ombres portées » et en 2023 son deuxième roman « Les Culs-Reptiles » remporte le Prix Jean-Cormier pour le meilleur livre francophone sur le sport. Le sujet de ses longs métrages et de ses livres est toujours lié au Tchad, son pays d’origine. Même lorsqu’il ne nomme pas directement son pays, il est possible de retrouver des références dans ses œuvres.
Entre 2017 et 2018 il est actif dans la politique Tchadienne en tant que ministre du développement touristique, de la culture et de l'artisanat, pendant lequel il a mis en place le mois du livre et de la lecture.

Je suis le premier nageur de mon pays à disputer un cent mètres nage libre dans une compétition internationale. Je suis heureux de l’avoir fait, même si ce n’est pas dans les règles de l’art. Mon chrono de deux minutes et cinquante-sept secondes est mauvais, je le sais, mais l’esprit olympique, ce n’est pas que la compétition, c’est aussi participer. Et cette force, cet esprit que je transmets aux gens, c’est une façon de fabriquer de la mémoire, d’écrire une histoire, c’est peut-être cela qui me rend aujourd’hui célèbre.

Seul nageur du pays, qui plus est débutant, Bourma décrochera-t-il une médaille aux jeux Olympiques de Sydney ? La presse s’interroge. La question peut faire sourire tant sa naïveté est déconcertante. Mais pour les gens de la Fédération, il ne s’agit pas d’une rigolade. C’est sérieux, ils y croient dur comme fer.

Il ne sait pas que le monde entier ne parle que de lui, de sa performance certes piètre, mais ô combien mémorable. De la BBC à RFI, en passant par CNN et autres télévisions et radios africaines, son nom, Kabo, est désormais sur toutes les lèvres. Bourma est entré dans l’histoire de la natation par la petite porte, comme par effraction, et pourtant cela fait du bruit.

Nous avons choisi ce livre parce que…

Avec le sport en toile de fond et au travers de situations humoristiques et absurdes, l’écrivain délivre une critique politique et sociale de la réalité tchadienne et des autres pays d’Afrique. Selon l’auteur, en Afrique les populations se sentent coincées parmi les problèmes socioéconomiques et les nombreuses prises d’état et comme les culs-reptiles ils attendent une opportunité ou une improbable révolution.