Voyage au bout des seize mètres

Péter Esterházy

Voyage au bout des seize mètres

Péter Esterházy

Christian Bourgois, 2008
Traduction : Agnès Járfás

« L’idée m’est venu d’aller voir des petites équipes allemandes. J’avais pas mal d’expérience des terrains hongrois, du ”bout des seize mètres”, différences, similitudes, et alors je pourrais considérer tout cela comme des travaux préliminaires, une mise en jambes. Position de base : j’ai été footballeur avant de devenir écrivain. »
Ce livre est né d'un défi. Avant la coupe du monde de football de 2006, la Südddeutsche Zeitung demande à Péter Esterházy de consacrer un livre au ballon rond. Celui-ci écrit un témoignage très libre où il mêle ses souvenirs d'enfance et de l'équipe d'or hongroise à l'exploration du terrain du football et de l'âme germaniques. Il construit un récit brillant qui révèle autant l'amour des Allemands pour l'ordre que la passion de leurs supporters dans les gradins et l'enthousiasme des buveurs de bière dans les bars. Un voyage dans le temps plus encore que dans l'espace, qui nous emporte bien au-delà de la surface de réparation.

Péter Esterházy est né en 1950 à Budapest, en Hongrie.
De 1969 à 1974, il étudie les mathématiques. Dès 1974, il publie ses premiers écrits dans des journaux littéraires. Mais ce n’est qu’à partir de 1978 qu’il se consacre pleinement à l’écriture, après avoir quitté l’institut d’informatique du ministère de l’Énergie. Descendant de la célèbre famille des comtes Esterházy de Galántha, Péter Esterházy est principalement connu pour Harmonia Caelestis (éd. Gallimard, 2001) retraçant le parcours de ses ancêtres sous le règne austro-hongrois jusqu’à leur décadence sous le communisme. Dans Revu et corrigé (éd. Gallimard, 2005), il modifie le portrait familial en expliquant comment il a découvert, très tard, que son père avait été informateur de la police politique sous l’ère communiste.
Considéré comme la figure la plus importante de la « nouvelle prose hongroise », il a reçu presque tous les prix littéraires hongrois, dont le prestigieux prix Kossuth en 1996, ainsi que des distinctions en France, en Autriche, en Allemagne, en Slovénie et en Norvège. Il a été promu commandeur de l’Ordre des Arts des Lettres et élu membre de l’Académie des Arts de Berlin en 1998.
Péter Esterházy est décédé en 2016 à Budapest.

Le footballeur vieillissant (ci-après : f. v.) est un mammifère lent, ayant femme et enfants, d’un âge incertain ; être un f. v., bien qu’indépendamment de l’âge, est un état, une philosophie, une idéologie. Notre place dans le monde. F. v. est fondamentalement une âme méchante, que les vagues d’émotivité, l’écume de l’humanisme et le silence qui l’entourent incontestablement ne rendent que plus antipathique. F. v. est surtout suspicieux. Tout lui est suspect, principalement ce qui ne l’est pas. […] A ses yeux, tout le monde est jeune. Il considère comme enfants d’abord les gens de vingt, puis de vingt-cinq et enfin de trente ans. Ceux de trente-cinq non, car il pense (pendant de longues années) qu’il en est. Il marche dans la rue, et non seulement presque tout le monde est jeune, mais tous sont également footballeurs (là, la calvitie du suspect, sa bedaine, sa jambe unique, son appartenance au sexe féminin, voire tous ces indices ensemble – imaginons-le ! – ne représentaient pas plus d’obstacle que dans les tragédies sociales susmentionnées la vérité : presque rien). Et alors tous ces gens-là ne peuvent avoir qu’un objectif : faire partie de l’équipe, et nous n’avons peut-être même pas besoin de dire à la place de qui. » « Je dois me vanter encore une fois : le ciel m’a accordé de jouer avec le grand Hidegkuti, le troisième génie de l’Équipe d’or, à côté de Puskás et de Bozsik. Il habite (habitait) dans le voisinage, et lui, comme grand-père, et moi, comme père, nous faisions partie de la même équipe lors d’un match de fin d’année : les élèves contre parents et professeurs. Il allait sur ses soixante-dix ans, mais on pouvait toujours observer, bouche bée, ce qu’il faisait. Il ne faisait d’ailleurs rien d’extraordinaire, seulement autre chose. Lorsque moi, avec le savoir-faire du footballeur du niveau dit, mais réel, je voyais que l’on pouvait se déplacer dans tel ou tel sens, car, dans la situation donnée, c’était la meilleure solution, lui faisait par exemple un pas en arrière, chose que tout homme sensé et connaissant un tant soit peu le foot, un unsereiner, n’aurait jamais risquée, il fallait pour ça un Hidegkuti, qui créait du coup un nouvel espace, dont je mesurais immédiatement les nouvelles possibilités, autrement dit, il me suffisait de lui passer le ballon, et : but. Chose dont il n’était nullement question un pas plus tôt. C’est très instructif pour un homme de lettres. Il ne s’agit pas de choisir le meilleur élément à sa disposition, sous la main, mais de créer ce meilleur : un espace nouveau. Voilà ce que dit le pas en arrière de ce retraité.

Nous avons choisi ce livre parce que…

Il n’est pas nécessaire d’aimer le foot pour apprécier ce récit autour du ballon rond signé par un des plus grands stylistes de sa génération connu surtout pour sa « sérénité ontologique » qui n’avait rien d’ordinaire dans le paysage littéraire de son pays. Ce livre, dédié au sport "préféré" des Hongrois, est un témoignage libre melant des souvenirs d'enfance et de "l'équipe d'or" hongroise des années 50 à l'exploration du terrain de football.

Où trouver ce livre

En librairie, à PARIS-BULAC et à PARIS-USN-Bib.Sorbonne Nouvelle.

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