Le jardin des Finzi-Contini
Giorgio Bassani
Le jardin des Finzi-Contini
Giorgio Bassani
Gallimard, 1964/2006
Traduction : Michel Arnaud, revisée par Vincent Raynaud
Un narrateur sans nom nous guide à travers ses souvenirs d'enfance, ses premières rencontres avec les enfants des Finzi-Contini, Alberto et Micòl, ses pairs rendus inaccessibles par une profonde disparité sociale. Mais les lois raciales qui s'abattent sur l'Italie comme un orage soudain rapprochent les trois jeunes, rendant leurs rencontres de plus en plus fréquentes à mesure qu'ils grandissent. Le théâtre de ces rencontres est souvent le vaste et magnifique jardin de la maison Finzi-Contini, un lieu qui s'imbibe de rêves, d'attentes et de déceptions. Le protagoniste, jour après jour, se trouve de plus en plus impliqué dans un sentiment d'amour tendre mais contrarié pour Micòl. Mais désormais, l'histoire s'effondre et un destin funeste semble s'ouvrir comme un abîme sous les pieds de la famille Finzi-Contini.
Poète, écrivain, scénariste, critique, rédacteur et collaborateur de revues littéraires importantes, il a été pendant un certain temps vice-président de la RAI (le principal groupe audiovisuel public italien). Il a passé son enfance et son adolescence à Ferrare, qui est restée à jamais dans son cœur et est devenue le théâtre de ses créations littéraires. Participant à la Résistance, il s'est consacré après la guerre à la vie culturelle en tant que narrateur et poète. En tant que directeur éditorial, il a découvert "Le Guépard" de Tomasi di Lampedusa. Après la publication de "Cinque storie ferraresi" et "Gli occhiali d’oro", Bassani a connu un grand succès populaire en 1962 avec ce qui est considéré par beaucoup comme son chef-d'œuvre, "Le jardin des Finzi-Contini". En 1974, paraît "Romanzo di Ferrara", qui rassemble l'ensemble de son œuvre narrative. Parmi ses recueils de poésie figurent "Storie di poveri amanti e altri versi" (1946) et "L'alba ai vetri" (1963). Il est décédé en 2000 à Rome, après une longue et douloureuse maladie. Selon sa volonté, il est enterré à Ferrare, dans le cimetière juif de via delle Vigne, près des remparts dont, en tant que président d'"Italia Nostra", il a promu la restauration.
Nous eûmes vraiment de la chance avec le temps. Pendant dix ou douze jours, il se maintint au beau fixe, s’immobilisant dans cette espèce de suspension magique, d’immobilité doucement vitreuse et lumineuse qui est particulière à certains de nos automnes. Il faisait chaud dans le jardin : comme si l’on eût été en plein été. Ceux qui en avaient envie pouvaient continuer de jouer au tennis jusqu’à cinq heures et demie et plus, sans crainte que l’humidité du soir , déjà si forte vers novembre, n’endommageât les cordes des raquettes. À cette heure-là, naturellement, on n’y voyait presque plus sur le court. Mais la lumière qui dorait encore là-bas, au fond, les pentes herbeuses du rempart des Anges, pleines, surtout le dimanche, d’une paisible foule multicolore […], cette dernière lumière vous invitait à continuer, à persister à échanger des balles et peu importait que ce fût maintenant presque à l’aveuglette. Ce n’était pas encore la fin du jour et cela valait en tout cas la peine de rester encore un peu. […] Nos hôtes étaient encore plus assidus que nous. On pouvait arriver très tôt, quand deux heures n’avaient pas encore sonné à la lointaine horloge de la ville : si tôt que l’on arrivât, on était sûr de les trouver déjà sur le court et jamais en train de jour ensemble, comme ce premier samedi où nous avions débouché dans la clairière, derrière la maison, où se trouvait le court, mais en train de vérifier si tour était en ordre, le filet en place, le terrain bien roulé et arrosé, les balles en bon état, ou bien étendus sur deux chaises longues, avec de grands chapeaux sur la tête, prenant un bain de soleil, immobiles. En tant qu’hôtes, ils n’auraient vraiment pas pu mieux se comporter. Bien qu’il fût évident que, pour eux, le tennis, considéré comme simple exercice physique, comme sport, ne les intéressait que jusqu’à un certain point, ils restaient là néanmoins jusqu’après la dernière partie (presque toujours tous les deux, et toujours l’un ou l’autre), sans jamais prendre congé d’avance sous le prétexte d’un engagement, de choses à faire ou d’un malaise. Parfois, c’étaient même eux qui, dans l’obscurité à peu près totale, insistaient pour que l’on fasse « encore quelques balles, les dernières ! » et qui ramenaient sur le court ceux qui étaient déjà en train de le quitter.
Nous avons choisi ce livre parce que…
Il illustre une conception du sport comme ultime jardin secret, comme dernière lumière « avant l’obscurité totale ».