Tous sports confondus

Frigyes Karinthy

Tous sports confondus

Frigyes Karinthy

Les Editions du Sonneur, 2014
Traduction : Cécile A. Holdban

Avec un humour incisif et jubilatoire, l’écrivain hongrois Frigyes Karinthy (1887-1938) démontre dans ce recueil que le sport ne flatte pas les meilleurs instincts de l’homme : l’auteur de Voyage autour de mon crâne raille les sportifs de haut niveau, ces héros des temps modernes, fustige le culte voué à ces dieux du stade, et constate que performance et vitesse ne sont pas forcément l’apanage du progrès.
Course à pied et course automobile, gymnastique, natation, lutte, boxe, etc., Karinthy multiplie les incursions dans le sport au travers de textes aux formes diverses : dialogue socratique, petites chroniques familières, reportages imaginaires… Et comme toujours chez lui, de la farce surgit une subtile moralité.

Frigyes Karinthy

(1887, Budapest – 1938, Siófok)

Incroyablement populaire et productif, d’une virtuosité sans égale, multipliant trouvailles verbales et jeux de mots, curieux de tout (des découvertes de la science à la psychanalyse), se traitant lui-même d’« encyclopédiste » et se donnant pour but de « réviser toutes choses », il a éparpillé son immense talent de moraliste profondément humain et de philosophe visionnaire dans d’innombrables romans fantastiques et utopiques, nouvelles humoristiques, poèmes, pièces de théâtre, pochades pour cabaret, articles, études, pastiches littéraires spirituels et féroces, etc. (L’Oeil de la Lettre). Atteint d’une tumeur au cerveau, Karinthy qui « en matière d’humour, n’admettait pas la plaisanterie », fit le récit de sa maladie dans Voyage autour de mon crâne (traduit en français par Judith et Pierre Karinthy, Éditions Denoël, 2006)

- Notre confrère a rencontré, installé dans sa tante, le champion de lutte mondialement connu, qui s’est montré fort disponible et bienveillant.
– Est-ce que je dois parler de mon combat avec l’Ange ? Moi, c’est surtout sa durée qui m’a surpris : le combat a duré tout un jour et toute une nuit.
- Vous n’avez pas essayé un nelson ?
- Non, c’était impossible à cause de ses ailes. J’ai bien protesté contre cela, mais ils n’ont pas voulu le disqualifier.
- Qui arbitrait le match ?
- Le Seigneur, oui, le Seigneur, un mécène sportif d’Arabie, un membre du C. E. P. F. C. N. (Cercle d’Exercice physique des Forces créatrices de la Nature). Il fut champion de tennis autrefois et c’est lui qui a créé le court Terre-Soleil ; c’est également un bon footballeur, il a shooté si fort dans le ballon Terre qu’elle continue de tourner aujourd’hui encore. Mais il était solidaire de l’Ange.
- Allez-vous déposer une plainte à la fédération sportive pour demander sa disqualification ?
- Oh, vous savez, je suis trop vieux pour ça. Mais j’aimerais bien broyer un jour les ailes de ce Richárd Weisz.
- Mais il n’a pas d’ailes, cher maître.
Le champion grisonnant a dodeliné de la tête d’un air réprobateur.
- Ah là là ! Ces amateurs d’aujourd’hui ! Ils combattent sans ailes maintenant ?

Tout d’abord, de la natation en tant que telle, puis de l’eau en tant que telle.
Je vous le dis en toute franchise : contrairement à l’esprit de notre époque, je suis très surpris par toute cette histoire, je vous assure que j’en reste bouche bée – au risque de boire la tasse.
En général, on considère la natation et la course à pied comme des sports d’endurance, par opposition aux exploits sportifs sur place tels que le saut en hauteur, la boxe et le discours parlementaire. Cela signifie que, en parlant d’un endroit quelconque, il faut arriver à un autre endroit quelconque, aussi vite que possible pour un être humain. Et c’est là que le malentendu commence. A savoir que, mis à part les poissons et les hydrophiles, il existe un grand nombre de machines inventées par l’homme qui, même sous leur forme la plus primitive, avancent plus vite dans l’eau que le plus grand nageur de tous les temps ; qui plus est, pour peu qu’on y prête attention, on s’aperçoit que n’importe quel animal évoluant dans l’eau va plus vite que les nageurs de compétition.
Alors à quoi bon tous ces efforts ?

Nous avons choisi ce livre parce que…

En plein fièvre olympique, ce petit livre propose de dédramatiser le sport et même de se moquer un peu de cette activité, en fin de compte assez singulière chez l’homme, que Frigyes Karinthy définissait par ces mots : « Sous le terme de sport, on entend tous les mouvements et contorsions du corps que produisent certaines personnes échauffées avec certaines parties de leur corps ou avec leur corps tout entier, afin qu’aucune de ces parties ne demeure à la place que Dieu lui a assignée, mais occupe de préférence un endroit qui n’est absolument pas prévu pour elle. Dans l’exercice de cet art, toutes les parties du corps peuvent être utilisées, à l’exception du cerveau, dont le fonctionnement vient tout perturber, puisque ce dernier estime que ces contorsions et ces déboitements relèvent de la pure bêtise. »

Où trouver ce livre

En librairie et à PARIS-BULAC.