Brendan Behan

Cette exposition présente la vie et l'œuvre de Brendan Behan, en mettant l'accent sur son expérience parisienne.

Brendan Behan

Cette introduction interactive présente la vie et l'œuvre de Brendan Behan, en mettant l'accent sur son expérience parisienne. Tout au long de votre lecture, approfondissez les sujets de votre choix, grâce aux ressources complémentaires en ligne, aux enregistrements d'archives de Brendan Behan, aux photographies, à la dramatisation, aux podcasts radio...

Source : Wikimedia commons (Aquarelle par Reginald Gray, 1953)

© The Estate of Brendan Behan

Poète, dramaturge, romancier, journaliste indépendant, peintre en bâtiment, chanteur, buveur céleste et rebelle irlandais, Brendan Behan (1923-1964) a acquis une discipline d'écrivain à Paris, dans une ville peu soucieuse de sa réputation en Irlande mais intéressée par ses réalisations littéraires et, comme Seamus Heaney, il a recommencé à creuser avec sa plume dans le champ kaléidoscopique de son passé. Dans le Quartier Latin, à partir de 1948, entre le Café de Flore et Les Deux Magots, « les cathédrales jumelles de l'existentialisme » comme les appelait Behan, ce dernier est entouré de Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Boris Vian et Albert Camus. Behan rencontre également Sindbad Vail, rédacteur en chef de Points, un magazine d'avant-garde, auquel il contribue en anglais. La nouvelle de Behan After the Wake est publiée dans Points en 1950. Quant à la nouvelle Bridewell Revisited, publiée dans Points en 1951, elle constituera les premières pages de Borstal Boy (1958).
Pour en savoir plus sur la vie de Behan à Paris et sur le rôle important joué par Sindbad Vail dans le développement de la carrière de Behan, écoutez le documentaire primé de Deirdre McMahon « Brendan Behan in Paris » sur RTÉ Radio One :

Le poète marchant avec les fantômes irlandais à Paris

Dès son plus jeune âge, Brendan Behan est initié aux œuvres d'écrivains français comme Zola et Maupassant, ainsi qu'à celles d'Irlandais ayant vécu en France, comme Wolfe Tone, par son père, Stephen Behan (1891-1967), soldat républicain érudit issu de la classe ouvrière et peintre en bâtiment. Ainsi, pour Brendan Behan, Paris est hanté par les artistes, poètes, dramaturges, révolutionnaires, prêtres et chanteurs irlandais dont il a suivi les pas. Wolfe Tone, John O'Leary, James Stephens et bien d'autres ont passé une grande partie de leur vie à Paris. Dans Confessions of an Irish Rebel (1965), Behan évoque Paris et les fantômes des Irlandais y ayant vécus et part à la recherche des lieux parisiens riches d’un passé irlandais. Dans la rue des Irlandais, il découvre le Collège des Irlandais, aujourd'hui le Centre Culturel Irlandais, où, au XVIIIe siècle, de jeunes séminaristes irlandais étudiaient.

© Archives CCI

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© CCI

Oscar Wilde

Brendan Behan est également hanté par Oscar Wilde (1856-1900) et s’attarde dans la rue où ce dernier est décédé en 1900 (13 rue des Beaux-Arts 75006 Paris).

Car Behan écrivait, chantait et dansait pour tous les exclus. À Paris, Behan écrit un poème dédié à Oscar Wilde en irlandais. Le verbe de Behan en gaélique devient organiquement actif, comme un exorcisme renouvelé.
Écoutez Jack O'Rourke, dans une bouleversante interprétation folk du poème de Behan, Oscar, traduit en anglais par Ulick O'Connor, sur la mort tragique d'Oscar Wilde, "le jeune prince du péché" et enregistrée dans la Chapelle du Centre Culturel Irlandais :

Behan 100 : Jack O’Rourke

Behan continue de vivre en musique en 2023. Macdara Yeates, chanteur de musique folklorique traditionnelle irlandaise avec l'historien Donal Fallon, a aussi organisé un événement musical célébrant le centenaire de la naissance de Brendan Behan au Liberty Hall de Dublin.

Ce que Behan découvre à Paris, c'est un autre moyen de donner une voix à ceux qui n'en ont pas. La poésie de Brendan Behan écrite en irlandais comprend au total treize textes courts publiés principalement dans le magazine littéraire irlandais Comhar entre 1946 et 1952. Cette contribution à la poésie moderne en irlandais, certes limitée mais primordiale est reconnue et mise en exergue dans The Field Day Anthology of Irish Writing (1991) et The Cambridge History of Irish Literature (2006).

Behan 100 : Macdara Yeates
Behan 100 : Macdara Yeates

Gaulín Traditional Singers’ Club

Voir la page du festival Behan 100 au CCI  

James Joyce

A Paris, Behan écrit également un poème sur James Joyce en irlandais, traduit en anglais par « Gratitude to Joyce ». Car comme lui, James Joyce a arpenté les rues du « Dear Dirty Dublin » et de Paris, la ville lumière. Dans son poème, Behan voit le fantôme de Joyce à Paris, dans la rue Saint-André-des-Arts, mais le fantôme le voit aussi et est amené à le louer. Behan marche avec le fantôme de Joyce, non pas réduit au silence ou intimidé par lui, mais demandant avec défi à être traité comme un pair. Les fantômes irlandais de Behan pèsent, réfléchissent, s'intensifient et se condensent dans un cercle historique et culturel parisien. James Joyce et Brendan Behan ont tous deux lutté contre la censure irlandaise et ont trouvé refuge à Paris, pour James Joyce grâce à Sylvia Beach qui publiera Ulysses en 1922 et sa librairie Shakespeare and Co. (ouverte en 1921 au 12 rue de l'Odéon 75006 Paris) et pour Brendan Behan grâce à Sindbad Vail et à la nouvelle librairie Shakespeare and Co de George Whitman (située au 37 rue de la Bûcherie 75005 Paris).

James Joyce et Sylvia Beach dans la librairie Shakespeare & Company (12 rue de l’Odéon, Paris), 1922.
James Joyce et Sylvia Beach dans la librairie Shakespeare & Company (12 rue de l’Odéon, Paris), 1922.

© Poetry Collection of the University Libraries,
University at Buffalo, The State University of New York

Plaque
Plaque

Source : Flickr © Monceau

Brendan Behan à la librairie Shakespeare and Co avec George Whitman
Brendan Behan à la librairie Shakespeare and Co avec George Whitman

© Russel Melcher (Courtesy of Shakespeare and Company Paris Archive)

A Bit of a Writer: Brendan Behan’s Complete Collected Short Prose
A Bit of a Writer: Brendan Behan’s Complete Collected Short Prose

Édité par John Brannigan, The Lilliput Press, 2023.

Le chanteur et journaliste indépendant

De retour à Dublin en 1950, Brendan Behan écrit des nouvelles et des scénarios pour Radio Telefis Éireann et chante dans un programme hebdomadaire, Ballad Maker's Saturday Night

Ecoutez aussi le documentaire réalisé et présenté par Anthony Cronin, avec des extraits de discours et de chansons de Brendan Behan et des conversations sur sa vie, son époque et ses écrits avec, entre autres, Joan Littlewood, Rae Jeffs, Beatrice Behan et Cathal Goulding :

Entre 1951 et 1956, Brendan Behan écrit plus d'une centaine d'articles pour des journaux irlandais, dont la plupart dans une chronique hebdomadaire de l'Irish Press, éditée pour la première fois dans son intégralité en 2023 par John Brannigan.

Le dramaturge à succès

En novembre 1952, Behan revient à Paris et rencontre Samuel Beckett dont l'influence est évidemment primordiale sur son œuvre et ce à travers les thèmes abordés comme l’enfermement, l'absence menaçante, l'effacement ou le hors scène de personnages comme le ‘Quare Fellow’ dans sa première pièce (The Quare Fellow, 1954) ou le volontaire irlandais de Belfast dans The Hostage (1958).

 

Photo : Portrait de Samuel Beckett par Roger Pic (source : Gallica)

The Quare Fellow

The Quare Fellow est joué pour la première fois au Pike Theatre de Dublin en 1954 et connait un succès immédiat en Irlande. Puis en novembre 1958, The Quare Fellow est mis en scène à New York au Circle in the Square, tandis que la traduction française de Boris Vian et Jacqueline Sundstrom, Le Client du Matin, est produite en avril 1959 au Théâtre de l'Œuvre à Paris, dans une mise en scène de Georges Wilson.

© Hulton Archive/Getty Images

Couvertures de The Quare Fellow…
Couvertures de The Quare Fellow…

@ Methuen & Co., 1956

… et Le client du matin, adapté de l’anglais par Boris Vian et Jacqueline Sundstrom
… et Le client du matin, adapté de l’anglais par Boris Vian et Jacqueline Sundstrom

© Gallimard, 1959

An Giall/ The Hostage (1958)

En 1958, la pièce de Behan en irlandais An Giall est jouée au Damer Theatre de Dublin. The Hostage, la traduction anglaise de la pièce de Behan, connaît un immense succès dans le monde entier à la suite de la production de Joan Littlewood à Londres en 1958. Cette pièce reçoit l'Obie Award en 1958, le prix du festival du Théâtre des Nations à Paris en 1959, une nomination au Tony Award de la meilleure pièce en 1961 et le prix de la critique française en 1962. En avril 1959, Brendan Behan et sa femme Beatrice reviennent à Paris pour assister au festival du Théâtre des Nations, où The Hostage a été sélectionné pour représenter non pas l'Irlande mais la Grande-Bretagne. Au théâtre Sarah Bernhardt, 1 250 personnes assistent à la pièce. Elle est traduite par Elisabeth Janvier sous le titre de Deux Otages. Et par Jean Paris et Jacqueline Sundstrum en 1962 sous le titre, Un Otage.

Couverture de The Hostage
Couverture de The Hostage

© Methuen & Co., 1958

Couverture de Deux Otages
Couverture de Deux Otages

Traduit de l’anglais par Elisabeth Janvier (Gallimard, 1961).

Programme du Théâtre de France – Un Otage de Brendan Behan - Saison 1961:1962
Programme du Théâtre de France – Un Otage de Brendan Behan - Saison 1961:1962

L'Avant-Scène Théâtre, N°266, Juin 1962
L'Avant-Scène Théâtre, N°266, Juin 1962

Contient : Un Otage (texte intégral), de Brendan Behan, Jean Paris, Jacqueline Sundstrom.

Pour Jean-Louis Barrault, codirecteur avec Madeleine Renaud du Théâtre de l'Odéon (appelé Théâtre de France dans les années 60), la deuxième pièce de Brendan Behan présentée à Paris en 1962 aux côtés d'œuvres de Claudel, Shakespeare, Kafka, Molière et Eschyle, avait la qualité exceptionnelle de traiter un sujet très humain avec une désinvolture anarchique. Un Otage est mis en scène par Georges Wilson avec Arletty dans le rôle de Meg.

Programme du Théatre de France – The Hostage de Brendan Behan- Saison 1961:1962.
Programme du Théatre de France – The Hostage de Brendan Behan- Saison 1961:1962.
Programme du Théatre de France – The Hostage de Brendan Behan- Saison 1961:1962.
Programme du Théatre de France – The Hostage de Brendan Behan- Saison 1961:1962.

De 1959 à nos jours, les pièces de Brendan Behan font l'objet de productions récurrentes en France, avec une adaptation télévisée d’Un Otage, réalisée par Marcel Cravenne avec Simone Signoret, Denise Gence, Daniel Ivernel et Maurice Chevit en 1970.

Scène extraite de l’adaptation télévisée de The Hostage avec Simone Signoret.
Scène extraite de l’adaptation télévisée de The Hostage avec Simone Signoret.

@ Michel Rumaut

Scène extraite de l’adaptation télévisée de The Hostage avec Simone Signoret.
Scène extraite de l’adaptation télévisée de The Hostage avec Simone Signoret.

@ Michel Rumaut

The Hostage mis en scène par Joan Littlewood, Paris : Théâtre Sarah Bernhardt, 1959
The Hostage mis en scène par Joan Littlewood, Paris : Théâtre Sarah Bernhardt, 1959

Photographie par Roger Pic. Source : Gallica

Un Otage; mis en scène par Georges Wilson – Paris : Théâtre de la Madeleine 1984.
Un Otage; mis en scène par Georges Wilson – Paris : Théâtre de la Madeleine 1984.

Photographie par Marée-Breyer. Source : Gallica

L’incroyable postérité de The Hostage/ Un Otage en Grèce

Les deux poèmes de Behan tirés de sa pièce de théâtre, The Hostage, On the eighteenth day of November et The Laughing Boy qui rend hommage à Michael Collins (1890-1922) ont été traduits en grec en 1966 et enregistrés par Maria Farantouri sur l'album Ένας όμηρος (L'otage) de Mikis Theodorakis. La chanson The Laughing Boy a connu une incroyable postérité en devenant l’hymne de gauche de la résistance contre la dictature qui régnait en Grèce à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix. En 2022, Alan Gilsenan réalise The Laughing Boy, un film qui entraîne le poète Theo Dorgan dans un cheminement personnel afin de découvrir la vérité sur l'histoire de cette chanson en Grèce.

Réalisateur : Alan Gilsenan
Réalisateur : Alan Gilsenan
Poète : Theo Dorgan (Courtesy of TG4)
Poète : Theo Dorgan (Courtesy of TG4)

Couverture de l’Album de Theodorakis « The Hostage », chanté par Maria Farantouri.
Couverture de l’Album de Theodorakis « The Hostage », chanté par Maria Farantouri.

En 1958, Borstal Boy, le roman autobiographique de Behan, est publié et devient un best-seller. Les œuvres ultérieures sont soit extraites de productions journalistiques publiées antérieurement, soit extraites d’enregistrements dictés par l’auteur souffrant et incapable d’écrire : Brendan Behan's Island (1962), The Scarperer (1964), Brendan Behan's New York (1964) et Confessions of an Irish Rebel (1965).

Conclusion

L’enfant terrible de Dublin décède à l'hôpital Meath le 20 mars 1964, trop jeune à l’âge de 41 ans après avoir connu un succès international voyageant de Paris à New York. Ses funérailles au cimetière de Glasnevin sont parmi les plus importantes jamais vues dans la ville de Dublin. Brendan Behan était un dublinois issu de la classe ouvrière, membre de l’IRA, buveur invétéré, diabétique, un personnage hors norme, un chanteur, un maître du bon mot et de l’ironie, un mythe mais aussi un poète, un dramaturge, un romancier, un écrivain protéiforme parlant et écrivant en anglais, en irlandais et possédant de solides notions de français. Aujourd’hui, cent ans après sa naissance, pour aller au-delà du mythe, il faut lire et relire son œuvre pour saisir l'universalité des souffrances humaines, les réussites exceptionnelles et les déchéances qu'il a décrites.

Sélection thématique à la Médiathèque du CCI
Sélection thématique à la Médiathèque du CCI

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Brendan Behan at 100
Brendan Behan at 100

Archives de RTÉ autour de la célébration du centenaire de Brendan Behan.

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Brendan Behan - The Roaring Boy
Brendan Behan - The Roaring Boy

Documentaire présenté par l’acteur Adrian Dunbar.

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Responsabilité scientifique : Virginie Roche-Tiengo, Maître de Conférences en Etudes Irlandaises